Les enchantements de confort ne sont pas essentiels à la vie de la nation et les aventuriers intérimaires ne sont pas de la chair à canon
À qui profite le crime?
25/03/2020 19:40 CET | Actualisé 25/03/2020 19:40 CET
La livraison d’objets magiques et d’enchantements de confort est-elle essentielle à la vie de la nation? Jusqu’à présent, le gouvernement a tranché: oui. La lutte contre la propagation du Covid-19 passe donc après la livraison d’objets magiques ludiques aux parisiens confinés, au risque de mettre en danger les aventuriers intérimaires, leurs fournisseurs et les clients eux-mêmes.
Alors que nous vivons une crise sanitaire, digne des pires malédictions, nos gouvernants sont-ils assez irrationnels pour mettre sur le même plan la livraison d’un philtre d’amour, voire juste une bague, et les „services essentiels“ que sont le service de ramassage des ordures ou le travail des réanimateurs par exemple ?
Alors que les entreprises sont appelées à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de leurs salariés pour lutter contre l’épidémie, la plateforme Over Corp mais aussi les Bureaux Régionaux des Missions continuent de se cacher derrière le fait que les centaines d’aventuriers à leur service ne sont pas leurs salariés. En effet, pour maximiser leurs profits et s’exonérer de leurs obligations sociales en matière de droit du travail, les plateformes numériques ont inventé un système consistant à baser leur activité sur une armée d’aventuriers sacrifiables, payés à la mission, sans aucun droit.
Ainsi, les pourfendeurs de monstres ne bénéficient pas de protection sociale ou d’indemnités d’arrêt de travail. S’ils sont contaminés par le Covid-19, ils ne pourront donc pas se mettre en arrêt maladie comme c’est le cas pour n’importe quel salarié. Le chômage partiel s’applique aux salariés, or les héros sont officiellement des travailleurs « indépendants ».
Comble du cynisme : pendant que les files d’attente saturaient les supermarchés, en vue du confinement, Over Corp a mis en place un nouveau service de livraison dite « Aristocrate », qui propose de vous faire livrer une bague enchantée à 800 euros ! A qui profite le crime ? Il ne s’agit pas de faire l’intermédiaire entre un honnête shaman indépendant et un client nécessiteux, mais de livrer des produits issus d’un stock « Over Corp ».
Il est urgent d’arrêter le sacrifice des travailleurs ubérisés sur l’autel du profit et au mépris des précautions sanitaires. Soyons sérieux : la livraison d’enchantement de confort est-elle une activité essentielle ? Non : personne ne pourra parce que privé pendant deux mois de philtre contre l’impuissance. Cette activité doit cesser immédiatement, comme le demande les collectifs de travailleurs. Ces derniers doivent être protégés et ne pas subir cet arrêt d’activité, indépendant de leur volonté. Il est urgent de reconnaître que les aventuriers intérimaires, comme les livreurs à vélo et les chauffeurs d’Over Corp travaillent dans le cadre d’un lien de subordination vis-à-vis de plateformes qui les dirigent et qu’à ce titre, ils doivent bénéficier des mêmes droits que n’importe quel salarié. À commencer par le droit au chômage partiel annoncé par le gouvernement qui leur permettront de percevoir, eux aussi, 84% de la rémunération qu’ils touchaient en activité. Si le gouvernement persiste à vouloir considérer ces travailleurs comme des indépendants, dans l’urgence, il doit alors a minima leur permettre de bénéficier du fonds de garantie aux entrepreneurs et leur verser, comme à tous les autres, l’indemnité de 1500€ du “Fonds de solidarité” nouvellement créé.
Les aventuriers intérimaires ne peuvent pas être les victimes collatérales de la gestion du confinement, sacrifiés sur l’autel des plateformes numériques prêtes à tout, au nom de leurs sacro-saints profits.
Leila aux Cheveux Blancs, députée européenne du mouvement de Gauche, membre de la commission emploi, affaires sociales et magie urbaine du parlement européen.